Interview de Jean-Pierre Pradeaux, pruniculteur-récoltant.
Mercredi 15 février, 10h. Un échange qui ne devait durer que 20 minutes avec Jean-Pierre Pradeaux se transforme en 1h, au gré des échanges et des digressions. Le rendez-vous est pris pour déguster ses prunes d’Ente moelleuses au prochain salon Aux Vignobles de Brest !
Bonjour M. Pradeaux, est-ce que vous pouvez commencer par me dire en quoi consiste votre métier ?
Je produis, je transforme et je vends en direct des prunes d’Ente, qui deviennent des pruneaux d’Agen mi-cuits. Pour ma part, je préfère les appeler prunes d’Ente moelleuses, car elles sont différentes des autres pruneaux. Je les vends en direct lors des salons Aux Vignobles et sur mon site web Les Délices de Gasque.
Dans le commerce, les pruneaux sont séchés à 23% maximum, puis réhydratés. Moi, je les sèche à 35 voire 40%, sans réhydratation. Mon objectif est de préserver le côté gustatif du fruit et ses propriétés, c’est bien meilleur pour la santé ! C’est aussi ce que mes clients apprécient : la qualité de mes produits.
On récolte environ 30 tonnes de prunes par an, 5 tonnes par hectare. Les producteurs de coopératives approchent généralement des 10 tonnes par hectare, parce qu’ils choisissent la quantité à la qualité.
Moi, ça ne me va pas ! Je ne récolte que de belles prunes d’Ente, à maturité, en respectant le fruit et la nature. Dans les coopératives, ce qui me gêne, c’est que les prunes sont séchées comme des cailloux puis réhydratées, c’est stupide. C’est ce qui m’a donné envie de me lancer dans la vente directe.
En quelle année avez-vous repris l’exploitation familiale ?
L’exploitation familiale existe depuis plusieurs générations, on cultivait un peu de tout : céréales, vignes, fruits… J’ai repris l’exploitation en 1981 et je me suis lancé dans la commercialisation des pruneaux en 1998. Depuis, mon activité est intégralement consacrée aux prunes d’Ente ! Nous disposons de 6 hectares de verger.
On est 2 à travailler sur l’exploitation, mon épouse et moi-même. On s’occupe de toute la production, de la taille des pruniers à la commercialisation, en passant par la récolte et le séchage. On gère également la vente directe, les salons et les expéditions.
Lors des pics d’activité, notamment pendant la récolte, on embauche 2 à 4 salariés pour nous aider.
Quelles sont les étapes clés de la production du pruneau ?
D’abord, c’est la taille des pruniers, qui se fait chaque hiver, lorsque les arbres se reposent. Cette taille permet de diminuer le nombre de boutons à fruits, procédant ainsi à une sorte d’éclaircissage sélectif, pour obtenir une plus grande quantité de prunes de gros calibre. Un objectif de qualité !
Du printemps à l’été on entretient notre verger, auquel on tient comme à la “prunelle de nos yeux”, par des broyages mécaniques successifs. On ne désherbe plus chimiquement depuis plusieurs années sous les arbres, pour ne pas abîmer les sols. Tous ces travaux donnent au verger de pruniers un aspect soigné et bien entretenu. On paille pour protéger le sol quelques semaines avant la récolte.
Normalement, la récolte a lieu entre mi août et mi septembre. Avec le changement climatique, c’est de plus en plus tôt ! Cette année, c’était début août. Les fruits étaient brûlés par le soleil, ils n’ont pas aussi bien mûri que les années précédentes. On doit expliquer à nos clients que nos prunes d’Ente moelleuses sont de moins bonne qualité cette année, mais on ne peut vendre que ce que la nature donne ! Ils comprennent.
Le ramassage de la récolte est mécanisé. Les prunes mûres, fraîchement cueillies, sont lavées pour enlever la poussière. On sépare les feuilles des fruits qui, avec l’enclayeuse, vont être répartis sur les claies selon des calibres de grosseur différente.
Ainsi, les claies couvertes de prunes sont disposées sur les chariots de claies superposées avant de rentrer dans les fours.
Le séchage de la prune est un processus simple : c’est l’air chaud venant d’un brûleur à gaz, puissamment ventilé sur les claies, qui fait évaporer l’eau contenue dans le fruit. Au lieu de le laisser sécher 24h comme le font les producteurs industriels, on ne le laisse que 10 à 12h : c’est ce qu’on appelle un pruneau mi-cuit.
Vous faites partie des Compagnons du Pruneau, de quoi s’agit-il ?
Au départ, on était plusieurs agriculteurs à vouloir trouver une solution pour commercialiser le pruneau différemment, car notre production était différente des pruneaux secs vendus dans le commerce. On avait donc un fruit qu’on ne savait pas comment appeler ! On a choisi le nom pruneau d’Agen mi-cuit.
La charte garantit une agriculture raisonnée, une taille méthodique, une récolte à maturité, un séchage jusqu’à 35% d’humidité et des pruneaux sans conservateurs. Et je ne rajoute jamais de sucre ! Les fruits moelleux gardent ainsi toutes leurs vertus.
A la base, nous étions 10-15 producteurs. Les industriels se sont aperçus de l’intérêt de cette charte aux yeux des consommateurs et ont commencé à utiliser le même nom, alors que ce n’était pas du tout le même produit. C’est pour ça que j’utilise désormais le terme prune d’Ente moelleuse, pour m’en différencier.
Vous ne commercialisez pas que des pruneaux. Qu’avez-vous d’autres comme produits ?
Les prunes d’Ente moelleuses, en particulier dénoyautées, sont les produits que l’on vend le plus, bien sûr. Mais d’autres produits intéressent les consommateurs !
Par exemple, on produit de la crème de pruneau, c’est notre spécialité. Elle est sans sucre ajouté. Après le séchage du fruit, on laisse la pulpe mijoter 4 heures, sans un gramme de sucre ! La crème est moins sucrée que dans le commerce, d’où son appellation pulpe de pruneau, mais elle est naturelle et onctueuse. Parfait pour étaler sur du pain ou dans du fromage blanc !
On fait aussi des confiseries, comme des pruneaux enrobés de chocolats et des pruneaux fourrés à la crème de pruneau.
Un autre produit exceptionnel : l’huile d’amandons de pruneaux. C’est une huile issue de la pression à froid des amandes extraites du noyau des pruneaux. Grâce à leur arôme puissant et leur délicieux parfum de frangipane, quelques gouttes suffisent sur le poisson, les crêpes ou pour relever des crudités.
On a aussi du jus de pruneau, de l’eau de vie, de la liqueur et d’autres fruits moelleux comme la cerise, l’abricot, la figue ou la mirabelle. Tous nos produits sont à retrouver sur les salons Aux Vignobles !
En plus de votre activité agricole, vous avez également des gîtes. Pouvez-vous en parler ?
On accueille des vacanciers dans nos gîtes en pierres avec poutres apparentes sur l’exploitation agricole, au milieu de nos pruniers. C’est tranquille, il n’y a pas un bruit : parfait pour se reposer à la campagne !
On a 2 gîtes de 6 personnes, confortablement meublés, d’une surface de 92 m2 avec 3 chambres par gîte. Ils ont un salon, une cuisine équipée, une salle de bain avec wc privatifs et une piscine de 10x5m.
Les gîtes sont ouverts toute l’année mais on a plus de monde entre Pâques et septembre. L’hiver, on est trop loin des stations de ski !
Depuis quand êtes-vous exposant aux salons Aux Vignobles ?
J’ai commencé en mars 1998, au salon de Vannes. Je suis très fidèle ! Je fais 14 salons par an, 6 au printemps et 8 à l’automne. Je vais à Brest, Quimper, Rennes, Saint Brieuc, Vannes, Saint Malo… toute la Bretagne ! Mais aussi dans d’autres villes comme Nantes, Caen ou Le Havre. On peut me retrouver un peu partout !
Ces salons Aux Vignobles !, c’est merveilleux. On sait pourquoi on travaille. On échange avec les clients, ils voient que nos pruneaux sont différents de ceux du commerce. On parle aussi de nos difficultés de cette année et 99% nous soutiennent.
Ils sont indispensables à notre activité. On fait 95% de nos ventes lors des salons et sur notre site, ce sont les clients qui nous ont connu grâce aux salons. Quand je me suis lancé, j’avais le choix entre les salons ou les marchés. Mais les marchés, s’il y a déjà 3 vendeurs de pruneaux, à quoi ça sert d’être le quatrième ? Alors j’ai choisi les salons.
Pendant le confinement, j’ai vendu un peu partout en Bretagne sous forme de drive et j’ai reçu beaucoup de cadeaux de mes clients, notamment des fars bretons aux pruneaux ! Ça m’a beaucoup touché qu’ils me remercient de venir.
Vous aurez le plaisir de retrouver Jean-Pierre Pradeaux, sa passion, son enthousiasme et surtout ses prunes d’Ente moelleuses sur la majorité des salons Aux Vignobles 2023 !
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